NABABIO

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Pourquoi nos Chefs d'Etat africains veulent ils s'éterniser au Pouvoir?

       Nous constatons encore aujourd'hui, qu'en dépit des professions de foi et des Constitutions démocratiques, en dépit des engagements nationaux,sous régionaux,africains et internationaux, la tendance dominante chez nos dirigeants africains demeure celle de la conservation sans délai du Pouvoir d'Etat, et ce, en contradiction flagrante avec les valeurs et les pratiques basiques, élémentaires de la démocratie dans ses fondements. Dernières illustrations avortées, réussies ou en cours : Mamadou Tandja au Niger; Abdoulaye Wade au Sénégal; Robert Mougabé au Zimbabwe; Yaya Jameth en Gambie; Blaise Compaoré au Burkina; Yayi Boni au Bénin; Sassou Nguesso au Congo; Idriss Déby au Tchad; Faure Eyadéma au Togo etc. D'autres au nord, et pas exclusivement, aboutissent au même résultat de pérennisation en entretenant des régimes réellement de Parti unique ( Moubarack en Égypte, Ben Ali en Tunisie et dans une moindre mesure Boutéflika en Algérie...). Et tout ça, sous l'œil souvent complice des puissances occidentales(principalement européennes) donatrices de leçons de démocratie, surtout à l'Afrique! La raison principale de ce hiatus entre les paroles puristes et les pratiques complices, c'est  la défense de leurs intérêts économiques assurés par leurs Sociétés  opérant, pour l'essentiel dans les domaines du pétrole, du bois, du gaz, du bauxite, du manganèse, du coton, du BTP, des ports et aéroports.  Ajoutons-y deux lieux d'intérêts géostratégiques  importants : la volonté de contrer la pénétration de la  Chine populaire dans leurs zones  traditionnelle et la lutte contre le terrorisme. 

   Rappellons que ces valeurs démocratiques sont entre autres celles de : la liberté comme attribut fondamental de tout être humain; l'égalité des personnes  caractérisées au même titre par la liberté ; la reconnaissance et la promotion de droits fondamentaux de l'homme en tant qu'homme digne de respect absolu;  l'esprit de tolérance pour permettre la libre expression des opinions différentes ou divergentes etc. Pour réaliser ces valeurs, il faut recourir à des pratiques spécifiques qui doivent trancher avec d'autres types de pratiques relevant de régimes politiques comme ceux basés sur les liens de sang, la violence ou simplement la fortune. Parmi ces pratiques spécifiques : l'Etat de droit; le multipartisme ; la séparation et la balance des pouvoirs législatif,exécutif et judiciaire; des élections régulières; l'existences de contre pouvoirs civils( mouvements et associations de la Société civile) et politiques ( des partis politiques de l'opposition); des dispositions légales permettant l'alternance au pouvoir, garantissant les libertés essentielles d'expression(et notamment celle de la presse), de mouvement, de culte...; la défense et la garantie des droits inaliénables de l'homme etc. Je sais que ces valeurs constituent historiquement un héritage de toute l'humanité et     j´y reviendrai une autre fois en philosophie facile comme maintenant. Je pense que les valeurs de la démocratie sont absolument bonne pour tout être humain. Néanmoins, leurs applications tiennent nécessairement compte des réalités socio-culurelles concrètes, soit pour trouver des lieux de conciliation, soit pour répudier les points de divergence. C'est d'ailleurs pour tenir compte de cette dynamique que Montesquieu disait que l'actualisation des valeurs démocratiques devait toujours tenir compte de " L'esprit général des peuples". Et quelles sont les causes de toutes ces résistances démocratiquement régressives aux sommets trop nombreux de nos pays? Ces causes sont plus endogènes(internes) qu'exogènes( extérieurs) aujourd'hui.

    Je ne saurais prétendre recenser ces causes de façon exhaustive ou incontestable. Je pense  tout de même pouvoir avancer quelques raisons essentiellement endogènes, car, même si les raisons exogènes déjà évoquées sont fortes, elles ne sont pas inflexibles ni déterminantes dans les restaurations de nos processus démocratique quand on sait( et on voit) comment  aujourd'hui, ces mêmes Occidentaux   finissent toujours par se rallier, même tardivement , au rapport de forces imposé sur le terrain par les luttes populaires. Ce qui est donc déterminant, c'est la lutte pour sauvegarder et ancrer la démocratie contre ses différents détourneurs ou récupérateurs  monarchistes et patrimonialistes.

      S'agissant alors des causes endogènes, je n'en citerai que trois parmi les plus importantes selon moi :

   Au plan général , nous n'avons pas encore fait suffisamment de rupture avec certaines de nos références traditionnelles en matière de gouvernance et de conception de l'homme : dans ces références, je ne dis pas valeurs, l'exercice du pouvoir s'accommode de pratiques foncièrement antidémocratiques( même si elles ont valu dans nos sociétés traditionnelles) qu'il faut nécessairement dépasser par une contestation radicale pour cesser de vouloir à la fois une chose et son contraire. Ces pratiques sont entre autres : les recours gérontocratiques exclusives qui me semblent être d'une validité d'hier; l'inégalité affirmée et réelle des citoyens au détriment surtout des jeunes et des femmes; la valorisation excessive de l'unanimité ou du consensus social; la facile exclusion des opinions différentes ou divergentes; une quasi patrimonialisation du pouvoir considérée comme normale ;une vision de l'espace vital commun quasiment réduit à celui de l'ethnie etc... Ce sont là quelques repères dont s'inspirent consciemment ou inconsciemment bon nombre de nos dirigeants sans être vraiment contestés en cela par une population forgée dans cette pratique traditionnelle du pouvoir. Ainsi n'est- il pas rare d'entendre ces populations très largement majoritaires dire qu'il est normal que celui qui a le pouvoir," le bouffe". Elles ajoutent même parfois contre l'alternance démocratique( une pierre angulaire de la démocratie) ceci : Il vaut mieux laisser celui qui est déjà au pouvoir continuer car il est déjà rassasié à force de bouffer et donc n'abusera plus du dénier public que d'élire un nouveau qui a faim et  abusera donc de ce même  dénier!!! Il appartient ici aux intellectuels principalement et à tous les démocrates vrais, de faire comprendre et accepter la nécessité d'une rupture de type républicain et démocratique. Nous devrions donc mieux nous battre dans ce sens au lieu d'encourager ce statu quo coupable, par populisme ou électoralisme.

   Au niveau des gouvernants, non seulement beaucoup gardent ces références devenues négatives aujourd'hui, mais en plus, ils développent une théorie non écrite du pouvoir qu'ils appliquent méthodiquement : la politique est essentiellement une activité de  promotion économique pour soi, sa famille, son clan et les courtisans. Alors la pratique consiste à appliquer cette vision : profiter largement du  déficit de citoyenneté de nos populations pour gouverner sans se croire astreints à des obligations de résultats. Voilà pourquoi  bon nombre de nos Présidents exercent des pouvoirs qui sont beaucoup  plus épicuriens( beaucoup de plaisirs) que laborieux et qu'ils ne veulent donc pas les quitter tant il est vrai qu'on peut se fatiguer de travailler mais pas de "manger"! Voilà pourquoi aussi,me semble  t-il, ils sont beaucoup moins patriotes que beaucoup de leurs homologues d'autres continents,notamment  ceux d'Asie.Ces pays d'Asie( Japon excepté ) au moment de nos Indépendances nationales n'étaient pas tellement  plus développés que nous, mais qui sont très loin devant nous aujourd'hui à cause de leurs nationalismes et patriotismes captés et bien gérés par leurs dirigeants. A cela, il faut ajouter chez nous,  les résistances souvent tenaces de tous les bénéficiaires plus ou moins licites du système qui ont tout à perdre en cas d´alternance et qui ceinturent le Président pour être les seuls à lui dire : " tu es le meilleur...sans toi le pays coule...ceux qui te critiquent ne sont que des aigris, des jaloux, voire des  ingrats..." Ces bénéficiaires égoïstes autour de nos Présidents sont généralement organisés directement par les familles présidentielles pour, par tous les moyens violents( mainmise sur l'armée presque privatisée) ou pacifiques ( maintien plus ou moins frauduleux de l'hégémonie du Parti présidentiel et aussi mainmise sur l´Administration publique devenue un lieu de récompense/punitions selon que vous faites allégeance ou pas) ,pérenniser les Présidents au pouvoir .

     Au niveau de nos peuples, peu démocratiquement formés, ils ont d'abord la faiblesse d'être cultivés dans la pratique politique traditionnelle que reproduisent nos dirigeants, ce qui ne leurs fait pas  percevoir clairementdes des tares et autres déviations des processus démocratiques. Il n'est pas ainsi rare d´entendre des citoyens justifier les enrichissements illicites de leurs parents parce qu'il s´agit simplement de leurs parents! Le voleur à dénoncer, c'est presque toujours  le parent de l'autre! Ils ont aussi un déficit réel de citoyenneté qui les freine dans leur légal et légitime demande de comptes dans la gestion démocratique des affaires publiques, demandes qu'ils doivent adresser  à ceux qui les dirigent. Effectivement, un citoyen au sens actif du mot est celui qui, connaissant ses droits et ses devoirs, remplit ses devoirs et revendique ses droits. Nos peuple ont eu un début de formation citoyenne dans les périodes de lutte anti coloniale. Après les Indépendances, cette formation a été arrêtée tant les nouvelles élites politiques craignaient d´être elles mêmes contestées. C'est comme dirait l'autre : " Mal informés les hommes sont des sujets. Bien informés ils deviennent des citoyens". Aujourd'hui le résultat est amer car nos peuples réels subissent plus qu'ils n'agissent dans la gestion de la vie démocratique. Et ceci est beaucoup plus vrai  pour l'Afrique subsaharienne. Heureusement que  les choses y bougent depuis un temps assez récent et autorise un espoir pour demain.

    Je pense que pour accélérer l'acquisition de cette culture de l'alternance démocratique, l'Union Africaine pourrait inscrire dans ces textes statutaires, la limitation du nombre de mandats à deux non renouvelables. Si l'interdiction de tout coup d'Etat protégeait les Présidents démocratiquement élus(c'est la reconnaissance d´un droit protégeant les Présidents), cette nouvelle clause protégerait les peuples contre les abus de pouvoir(ça serait rétablir un équilibre en fixant un tel devoir aux Présidents élus). Telle clause me semble meilleure aux octrois systématiques de lois d'amnistie, lesquelles constituent plutôt des primes à la mauvaise gouvernance et à l'inadmissible impunité.

         Ouagadougou le 3 Septembre 2013

Etienne Traoré Enseignant Université de Ouagadougou  Burkina Faso



18/10/2014
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