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Lutte contre l'incivisme : par delà les mots et les perdiems, situer les responsabilités premières de nos gouvernants!

   Du 22 au 29 Novembre 2013, se tient à Ouagadougou la dixième session de la " Semaine Nationale de la citoyenneté ( SENAC)" sous la présidence des plus hautes autorités de l'Etat autour d'un thème pertinent pour l'heure : " Droits humains, citoyenneté et revendications sociales : quelles convergences pour une société de paix?". Ce thème choisi par les gouvernants, traduit bien les menaces contre la paix( et donc la sécurité, la stabilité politique et le développement) que représentent les violences récurrentes observées lors des légitimes revendications sociales dans notre pays. Je pense que par delà les mots officiels ou acceptables par ces mêmes Officiels, il convient, si l'on veut soigner ce mal social, de le soigner par ses causes plutôt que par ses effets en hiérarchisant les questions. Dès lors, la question déterminante et première doit être : pourquoi cette recrudescence de l'incivisme? La question secondaire et introductive devient alors : comment et à quels niveaux(pas seulement au niveau des jeunes) sont posés de façon alarmante les actes d'incivisme. Si l'on inverse l'ordre des questions ou qu'on se refuse même à poser la question principale, on aboutit à une culpabilisation moralisante sans effet concret d'une catégorie de citoyens. Je fais malheureusement le constat que nos autorités continuent de poser ce problème sous ce mauvais angle : stigmatiser l'incivisme chez les jeunes et les plus défavorisés en oubliant ce que ceux-ci constatent au quotidien : le Grand incivisme économique, politique... de la part de responsables protégés qui, au vu et au su de tous,abusent de leurs droits, manquent gravement à leurs devoirs, contournent et violent en toute impunité les lois du Faso. Et pire, ces profiteurs du Grand incivisme sont présentés aux jeunes comme des exemples de réussite sociale!!! Avant d'identifier en les hiérarchisant les causes de cette pathologie sociale et politique, je rappelle ceci : au sens positif et actif du terme, un citoyen est cet habitant qui, connaissant ses droits et ses devoirs, exerce sa citoyenneté en accomplissant ses devoirs et en défendant ses droits. Tout abus par défaut ou par excès dans cet exercice relève alors de l'incivisme. Ainsi, on a le droit de manifester,  mais on en abuse par excès quand on fait des casses( chose interdite par la loi). De même, on a le devoir de payer ses impôts et taxes, mais on en abuse par défaut quand on ne le fait pas. Sans m'arrêter sur la réalité de  la montée de l'incivisme, à bien situer tant au niveau des gouvernés que des gouvernants, je pense identifier ainsi quelques responsabilités des MOINS AU PLUS DETERMINANTES POUR LUTTER EFFICACEMENT contre cette dérive dangereuses pour tous comme l'a si bien rappelé Alain Saint Pierre dans son excellent article publié dans  L'Observateur Paalga de ce 26 Novembre 2013 et pertinemment intitulé " Incivisme au Faso : on payera tous les pots cassés". Merci à lui de nous avoir rappelé que l'incivisme contribue à créer des habitudes marginales par rapport à la loi qui sont nuisibles  à tous et j'ajoute, très difficiles à corriger même après le présent régime politique. Des responsabilités, parlons en maintenant. Elles me semblent se  situer à trois  niveaux des moins au plus importants.

      Au niveau des jeunes, scolarisés ou non, il faut déplorer en leur sein des approches infantiles de la liberté, une certain culte de la violence comme moyen d'auto-affirmation et une conviction d'un lien direct existant entre la manifestation violente et la prise en compte de ses revendications par les pouvoirs publics : oui, pour certains jeunes la liberté d'agir renvoie à un refus systématique de tout ordre et de toute limite; pour d'autres, les jeunes doivent toujours s'exprimer de façon spécifique selon la vigueur de leur âge; presque pour tous, aujourd´hui au Burkina, si tu veux que les pouvoirs publics se penchent sur tes revendications, il faut manifester violemment et laisser des traces visibles( les casses) et ils donnent toujours maints exemples pour illustrer leurs propos.

     Au niveau des  familles, il faut reconnaître que les parents jouent peu ou pas du tout leurs rôles d'encadrement citoyen et deviennent ainsi de simples spectateurs face à des comportements non citoyens de leurs enfants tant à la maison( où l'enfant est déjà trop roi) qu'à l'extérieur. Certains mêmes prennent des défenses coupables de leurs jeunes enfants face à des efforts de redressement citoyens de la part des enseignants, brouillant ainsi les repères éthiques et citoyens de leurs propres enfants. Nous parents, sommes même parfois auteurs ou complices d'incivisme devant nos enfants quand, par nos propos et nos actes, nous encourageons l'incivisme en préférant les recours, non à la loi dans toute sa rigueur, mais à des arrangements coupables  permettant de contourner la loi et donc d'abuser de nos droits. L'éducation à la citoyenneté commence dans les familles!

    Au niveau des gouvernants aujourd'hui, de par les faits observés, ils sont bien les principaux responsables de cette pathologie sociale et politique comme auteurs et protecteurs des actes du Grand  incivisme de ses nombreux protégés qui abusent quotidiennement et publiquement, par défaut à leurs devoirs et par excès à leurs droits. Cela a grandement contribué à décrédibiliser et discréditer l'Institution judiciaire et les pouvoirs publics qui son sensés empêcher et punir les abus afin que la loi soit égale pour tous et nous protègent tous également contre les abus les uns des autres. Aujourd'hui, toutes ces Instances Républicaines sont, à des niveaux divers, considérées comme largement corrompues ou instrumentalisées par les tenants du pouvoir en place. Cette opinion vient d'être encore renforcée par les dernières nominations au ministère de la justice qui ont fait une place très élargie aux " juges acquis" pour reprendre les termes d'un dignitaire et ancien ministre de la justice du régime en place. J'ajoute la mise en application depuis longtemps, d'une philosophie politique implicite, faite de laxisme et de populisme mais qui a été efficace pour divertir les citoyens par rapport à la contestation du pouvoir et qui peut se résumer ainsi : " après la Révolution qui rimait avec beaucoup de contraintes et de sacrifices,voici venu le temps du laisser-faire, du laisser-aller... Bref, du défoulement et du laisser-aller généralisés où une et une seule chose est fortement déconseillée et surveillée; celle de lorgner le fauteuil présidentiel". Cette longue dérive très permissive ayant progressivement affaibli l'autorité de l'Etat, a accru les prises de congés par rapport aux lois du Faso, et ce, à tous les niveaux de notre société. Mais, au fond et au total, ces dérives ont surtout profité aux puissants du jour et engendré de graves conséquences en matières d'inégalités, d'injustices et de frustrations sociales devenues de plus en plus insupportables pour les citoyens ordinaires qui  sont les plus nombreux. Ceux- ci, notamment au niveau d'une jeunesse plus frappée, ont fini par croire  n'avoir d'autres moyens efficaces  de faire entendre leur ras-le-bol et leur quête de justice que ceux d'une violence multiforme. Ainsi s'est enclenché, banalisé et installé un cycle d'incivisme public nuisible à tous et même à leurs auteurs.

    Pour lutter efficacement contre ce mal, il faudrait commencer par en faire courageusement et objectivement une analyse globalisante( comme cela à été fait dans L'Observateur Paalga) en lieu et place d'une analyse partielle et partiale pour cibler quelques catégories de citoyens. Si nous devons tous accepter notre responsabilité collective,il est cependant plus vrai et plus juste de hiérarchiser les niveaux de responsabilité : incontestablement la responsabilité incombe  principalement à la direction de la société et de l'Etat dont les tenants ont un devoir d'exemplarité, un devoir d'éradication de ce mal par leurs comportements et leurs mesures de lutte. Au vu des faits, on est malheureusement tenté de croire que  ce mal s'est accru avec une défiance de plus en plus avancée de nos concitoyens envers leurs Institutions Républicaines,reconnues incapables de défendre et de promouvoir la véritable citoyenneté pour tous. C'est cette défiance qui a beaucoup contribué à faire le lit des incivismes dans notre pays. Quand nos  concitoyens en arrivent à se convaincre, faits et gestes à l'appui, que la loi protège essentiellement et même souvent injustement les plus forts économiquement et politiquement, ne nous étonnons pas qu'ils tendent de  s'en détourner pour se rendre justice. Et là, il ne faudrait plus exclure, sans bien sûr les justifier, d'identifier certains actes d'incivisme à des actes de désobéissance civile. 

      Il appartient dès lors à la puissance publique de faire une véritable introspection afin de se recrédibiliser par la prise de mesures fortes et par l'exemplarité de ses responsables pour  lutter efficacement contre TOUS LES ABUS D'OÙ QU'ILS VIENNENT. Cette nécessaire réorientation ne sera que bien appréciée  et soutenue par l'ensemble de nos concitoyens tant il est vrai qu'une victoire significative sur l'incivisme n'est possible que par l'engagement de tous. Il faudrait accompagner cette application nouvelle de la loi par une formation civique obligatoire, laquelle ne pourra être efficiente que si notre société s'efforce de refléter au mieux ce qui est enseigné dans les formations : qu'elle valorise effectivement les bons citoyens et qu'elle dévalorise et punisse effectivement les mauvais citoyens. C'est loin d'être le cas aujourd'hui où on continue de présenter aux jeunes de véritables brigands comme des modèles de réussite sociale au seul prétexte qu'ils sont riches, même quand visiblement ce sont des bénéficiaires coupables de l'incivisme. En tout état de cause, si ce cycle infernal n'est pas sérieusement combattu par des moyens autres  que des colloques surmédiatisés et des structures bureaucratiques inopérantes( toutes choses bonnes à montrer aux bailleurs de fonds),non seulement l'insécurité va s'accroître, la paix relative va se précariser, mais aussi ce mal peut profiter d'un moindre événement pour susciter une large explosion aussi violente que difficile à contrôler parce que imprévue.

 

Etienne Traore Université Ouagadougou 27 Novembre 2013  Blog : nababio.blog4ever.com

 

 

 

 

 

 

 

 

            



15/10/2014
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